Culture d’olive et huile d’olive dans l’hémisphère sud : l’Amérique latine.
Par Jorge Enrique PEREIRA BENITEZ (Consultant international)
C’est sur le continent Américain, au 16ème siècle, que l’oléiculture a été introduite pour la toute première fois en dehors de sa zone méditerranéenne d’origine.
Avec une superficie cultivée, une production et des exportations qui représentent respectivement moins de 3%, 2,5% et 5% du total mondial, le continent américain est néanmoins un acteur majeur du secteur oléicole avec des importations de près de 60% du marché mondial (Nord + Sud).
En mars 2020, le sous-continent sud-américain a été la première région de la planète à devoir s’adapter pour gérer sa campagne dans les conditions imposées par la pandémie de COVID 19. En 2021, pour la campagne en cours, les mêmes dispositions s’appliquent toujours
L’une des particularités géographiques de l’Amérique latine, est que la majeure partie de sa surface cultivée l’est en dehors de la «latitude méditerranéenne», située entre 30 et 40 degrés Nord.
Sur sa partie Ouest, pacifique, le courant froid de Humboldt, permet une adaptation climatique à des latitudes extrêmes, avec comme exemple de site de culture oléicole le plus septentrional, Leyva (Colombie) dans la province de Boyaca à 2200 mètres d’altitude et +5 degrés de latitude nord, oui, la Colombie se situe bien dans l’hémisphère Nord !
Les zones de productions les plus septentrionales
se trouvent en Colombie, à Leyva, dans la province de Boyaca à 2200 mètres d’altitude et +5 degrés de latitude (petite exploitation) et au Pérou, dans la région d’Ica 14,5 degrés de latitude sud.
La zone la plus méridionale
est localisée en Argentine dans la province de Chubut à -42 degrés de latitude sud
C’est également l’une des principales causes d’alternance entre les cycles de production “haut/élevé” et “bas/faible”. La récolte 2021 correspond à un cycle de production « haut » qui devrait atteindre 60000 tonnes, soit une augmentation de 20% par rapport à 2020, principalement en raison de l’importance de l’Argentine et du Chili qui produisent 52000 tonnes, soit 88% de la production du continent. Plus de fruits à récolter signifie allongement de la période de récolte, qui, combinée aux incertitudes liées au COVID 19 risque d’entraîner des difficultés dans les zones non mécanisées (environ 40% du continent).
Consommation d’huile d’olive par personne et par an :
C’est au Chili que l’on consomme le plus d’huile d’olive, avec 550 ml, viennent ensuite l’Uruguay avec 515 ml, et le Brésil, avec 460 ml. La moyenne pour l’Amérique du Sud est de 380 ml/personne/ an. L’Argentine, la Colombie et le Pérou se situent en dessous de la moyenne continentale avec respectivement 250 ml, 125 et 110 ml. La moyenne de consommation en Amérique du Sud est inférieure à la moyenne de consommation mondiale : 430 ml / personne / an, loin de l’Europe qui consomme en moyenne 2,3 L, l’Océanie 2 L et surpassant l’Afrique 220 ml et l’Asie 80 ml. Si l’on considère l’ensemble du continent nord, central et sud-américain, la moyenne s’élève à 1,34 litre / personne / an, principalement en raison de la consommation aux États-Unis.
EN ARGENTINE
L’Argentine est le plus grand producteur d’huile d’olive d’Amérique et l’un des dix plus grands au monde, a commencé sa récolte 2021 fin d’avril et devrait la terminer en juillet. L’importance des récoltes varie selon les région avec de grandes disparités, avec c’est San Juan, au nord-ouest du pays, qui est l’une des provinces leader.
Esteban Santipolio (Pocito, San Juan), ingénieur agricole diplômé de troisième cycle en agro-commerce, développement rural, élaiotechnique et agroécologie, développe dans la ville de Pocito, au Nord de l’Argentine, près de San Juan, un projet agroécologique sur 8 hectares d’oliviers centenaires de 9 hectares et de nouveaux oliviers sur 10 hectares des variétés Arauco, Arbequina, Picual et Coratina. Esteban a décidé d’industrialiser ses récoltes en 2021, avec pour estimations une production de 750 tonnes d’olives, soit près du double de 2020. Il souligne également que lors des bonnes récoltes, il produit 1200 tonnes, malgré un rendement huile / olive inférieur de -3-4% à celui des récoltes précédentes indifféremment de la variété.
Dans la région de production de La Rioja, à Chilecito, centre oléicole très important, la production d’olives a diminué de 75%, avec un rendement inférieur. Dans ce contexte de production productif, les prix de vente ont été meilleurs que les années précedentes, à 3 500 euros la tonne d’huile. La production se réparti en 15 tonnes d’huile d’olive vierge extra « haut de gamme » en bouteille, le reste en vrac.
À Mendoza, autre importante région de production, Miguel Zuccardi, responsable de la division oléicole de « Familia Zuccardi », producteur des gammes « Zuelo » et « Premium Familia Zuccardi », évalue que la nouvelle campagne comme excellente en qualité et en quantité. Les conditions climatiques ont été favorables, avec un été relativement frais dont le résultat a été une bonen quantité de fruits, avec cependant une maturité tardive. Au pied des Andes, le climat est désertique et continental, avec un risque de gelées à l’automne, phénomène que la famille ZUCCARDI n’a pas encore eu à déplorer. Arauco, la variété emblématique de la maison est cette année un très bon se réjouit Miguel Zuccardi. Parmi les autres variétés, Coratina se distingue avec beaucoup de notes aromatiques et une belle complexité.
De façon globale, la récolte en Argentine a été moyenne, à relativiser selon les régions. Les oliveraies modernes (intensives et super intensives) ont eu une productivité très élevée favorisant l’expansion de l’oléiculture à Mendoza et dans d’autres régions, il est à noter que cette année le taux d’huile d’huile dans les olives était relativement faible.
Au cours des 20 dernières années, l’Argentine a beaucoup progressé dans son expertise oléicole, elle a su adapter aux différentes zones climatiques pour en tirer le meilleur au niveau rendement et sensoriel. Pour exemple, la diversification des régions oléicoles avec de nouvelles zones aux microclimats maritimes à le sud-ouest du pays, comme la Patagonie, favorisant la diversité des huiles de haute qualité.
La hausse des prix de l’huile d’olive au niveau international est une bonne nouvelle pour la production, offrant une reconnaissance au travil complexe que représente la prodction d’huile d’olive.
AU CHILI
25 000 hectares de plantations, avec une prodction moyenne de 20 à 22 000 tonnes d’huile d’olive. La plupart en oliveraies sont en super-intensif, offrant au Chili le titre de pays ayant la plus grande efficacité de production au monde (près d’une tonne d’huile / hectare).
Jorge Andrés Astudillo Ingénieur agronome réputé, conseiller dans de nombreuses régions du Chili nous explique que la campagne 2021 a commencé avec deux semaines de retard (habituellement vers le 20 avril) en raison du manque d’eau et de froid, ce qui a retardé la maturation. Les rendements (huile / fruit) ont augmenté, passant de 14% à près de 18,5%. Ce retard a affecté différemment les variétés, étant négatif pour Frantoio et positif pour Arbequina, qui a considérablement augmenté par rapport aux années précédentes.
IMPACT COVID19 : La pandémie a eu un impact majeur sur la main-d’œuvre traditionnellement fournie par les travailleurs de Bolivie et du Pérou : En raison de la fermeture des frontières ils n’ont pas pu venir travailler aux récoltes du Chili cette année. La récolte des olives de table sera la plus affectée puisqu’elle est intégralement manuelle. La récolte mécanique est aussi touchée par ce manque de main d’oeuvre : plus de temps será nécessaire à la récolte et les producteurs n’ayant pas leur propre moulin, doivent attendre leur tour plus longtemps pour transformer leur production ; Ces données seront à considérer en plus du démarrage tardif de la campagne. Le Chili envisage tout de même une production très qualitative.
AU PÉROU
L’un des pays de la côte Pacifique où l’on trouve le plus grand nombre d’oliviers centenaires avec l’essentiel de la production en olives de table.
Gianfranco Vargas Flores, consultant oléicole et maître d’huilerie, confirme une récolte bien inférieure à celle de 2020, avec 180 tonnes d’olives pour tout le pays. Les exportations d’olives de table seront également inférieures à l’an passé, avec à peine 15 tonnes. L’activité a été compliquée par la hausse du prix des olives, tant pour l’huile que pour la table (40-50%), principalement en raison de la dépréciation de la monnaie et de l’augmentation des coûts liés à la pandémie de COVID19 qui a paralysé le mouvement des personnes.
EN URUGUAY
Gonzalo Aguirre est producteur au nord-est de l’Uruguay. Sa ferme agricole allie élevage, sylviculture et oléiculture. L’oliveraie occupe 95 hectares de la propriété avec des variétés telles que Arbequina, Coratina, Picual, Hojiblanca ou encore Manzanilla qui ont été plantées par étapes depuis 2012. La récolte de cette année a été la meilleure de son histoire, avec plus de 400 tonnes d’olives et près de 40000 litres d’Huile d’Olive Vierge Extra.
Et cependant le rendement n’a pas été bon, tout comme dans d’autres régions d’Uruguay, même si le producteur est convaincu qu’il faut miser de plus en plus sur la récolte précoce, malgré un rendement plus faible, en privilégiant toujours la qualité. « À l’avenir, j’aimerais transformer plus de fruits en moins de temps » commente Gonzalo Aguirre. Compte tenu du caractère familial de l’entreprise, le COVID n’a affecté ni la production oléicole ni le domaine.
Sergio Gómez, Ingénieur agricole à la réputation internationale : Argentine, Chili, Brésil, Espagne, Maroc et en Uruguay, est l’un des plus grands prestataires de services oléicoles. Son avis fait acte de foi dans le pays : « La récolte a commencé début avril et devrait durer jusqu’à fin juin, les prévisions sont une amélioration considérable de la production d’olives, 22 500 tonnes, avec un rendement moyen de 12%, La qualité vierge extra devrait s’approcher des 2200 tonnes; en 2020, il n’avait pas dépassé 300 tonnes. Loin des 2700 tonnes produites en 2019… »
Ce professionnel gère tout, depuis la plantation d’oliviers jusqu’à la récolte. Pour ce faire, il dispose d’un équipement important, et d’un personnel hautement qualifié et expérimenté, ce qui lui a permis malgré les limitations de mobilité dues à la pandémie de répondre aux besoins de ses nombreux clients. La récolte devrait être prolongée jusque début juillet 2021 selon lui.
Le marché intérieur Uruguayen est atypique, en raison des traditions de la population dont la grande majorité est d’origine espagnole, italienne et portugaise. Les Uruguayens consomment près de 1500 tonnes d’Huile d’Olive Vierge Extra soit 0,515 lt / personne / an. La moitié de ce volume est servi par les importations. Bien que certaines années de haute production, comme en 2019 et en 2021, il aurait été possible de répondre à la consommation intérieure avec des huiles locales, les importations sont toujours conséquentes.
AU BRÉSIL
Le plus jeune pays oléicole du sous-continent a commencé à se développer intensivement, dès 2010. Il existe actuellement 6.500 hectares plantés dans les États de Bahia, Espiritu Santo, Minas Gerais, San Pablo, Paraná, Santa Catarina et Rio Grande do Sul.
La récolte a commencé en février à Minas Gerais où se trouve un important centre oléicole dans la ville de María de Fe ; c’est là où les premières huiles du pays ont été produites début de 2010 avec des oliviers qui se trouvaient dans une station expérimentale.
Avec l’état de San Pablo, Minas Gerais partage une formation géologique appelée «Sierra de Mantiqueira» qui constitue une région montagneuse d’origine volcanique avec une altitude de 800 à 1200 mètres et une grande capacité de production.
La région avec le plus grand développement oléicole est l’intitulée «Campaña Gaucha», qui comprend les états de Rio Grande do Sul et Santa Catarina. C’est la plus grande zone d’oliviers et de production. En 2021, le volume d’huile produit était proche de 200.000 litres d’huile d’olive vierge extra. La production est très cloisonnée : une centaine de petits producteurs, et deux producteurs représentent les 2/3 de la production nationale. L’un d’eux, Aceites Batalha, a produit cette année 700 tonnes de fruits et 90 tonnes d’huile.
Bien qu’il y ait un développement prometteur de l’oléiculture brésilienne, la consommation intérieure est presque entièrement couverte par les importations, qui ont atteint l’an dernier 100 000 tonnes, la plupart d’origine portugaise. 200.000 tonnes d’olives sont importées, faisant du Brésil le troisième importateur mondial de produits oléicoles, derrière l’Union européenne et les États-Unis. La perspective du développement du marché national de l’huile d’olive et l’augmentation de la consommation, qui est d’environ + 6% par an, font du Brésil l’un des marchés d’importation les plus importants au monde qui est un faible consommateur de sa propre production.
Nul n’est prophète en son pays !